Petit coup de gueule de bon matin, en voyant la Une de 20 minutes : « Tsonga, l’héritier ? » suivi d’un laïus commençant par « 30 ans après la victoire de Noah à Roland Garros, la France attend toujours son successeur« . 20 minutes n’est qu’un exemple parmi 20 000 autres, tant on ne peut plus, et ce quasiment depuis le début de Roland Garros 2013, parler de Jo-Wilfried Tsonga, sans parler de Yannick Noah et de Roland Garros 1983. Certes le parallèle est joli, et l’issue fait rêver, certes les signes et les coïncidences voulant rapprocher les destins de ces deux tennismen sont nombreux sur ce tournoi (ils sont tous deux têtes de série numéro 6 par exemple), mais pourquoi vouloir à tout prix les comparer ? D’ailleurs 20 minutes consacre d’abord une double page à Noah avant de s’intéresser à l’exploit de Tsonga hier. (c’est aujourd’hui le fameux anniversaire des 30 ans)
D’abord, le dernier français à avoir gagné Roland Garros, c’est Mary Pierce en 2000. Sans vouloir jouer la corde féministe, ce sera bien qu’on ne l’oublie pas dans les tablettes des exploits du sport français. Ensuite, Jo Wilfried Tsonga n’est pour le moment « que » en demi-finale, un stade qu’a atteint Gaël Monfils il y a 5 ans, battant au passage David Ferrer en quarts (puisqu’on aime les heureux présages…) Il avait déjà bien chauffé le stade, mais je ne sais pas si on s’était autant enflammé à propos de Yannick à ce moment là. Après tout, ça ne faisait « que » 25 ans à l’époque.
Yannick Noah a gagné Roland Garros en 1983. On aime regarder les images d’archives de cette victoire et de cette joie éclatante, j’apprécie qu’on en célèbre le 30ème anniversaire avec autant d’émotion, même si les Espagnols doivent bien rigoler. Mais je voudrais qu’on laisse un peu Jo Tsonga tranquille avec ça, qu’on le laisse penser à sa demi-finale contre David Ferrer vendredi prochain, dans un premier temps. Car Ferrer, l’homme invisible du tournoi, à peine vu sur le Central et suivi de loin sur France Télévisions, est tout de même un sacré morceau. Et si JO arrive à le dépecer (c’est tout ce qu’on lui souhaite), il lui restera encore à croquer du beau monde ensuite.
Laissons Jo à sa danse de la victoire à lui, comme le dit Pioline « Jo, tu nous fais rêver grave », mais il nous fait rêver grave dans le moment présent, par sa victoire contre Federer hier, et non en 1983 ou dans 5 jours d’un hypothétique titre à Roland Garros qui est encore bien loin de portée de main. Bien sûr, l’espoir est là, aujourd’hui, peut-être plus que jamais, après ce début de tournoi solide et impressionnant, et cette démonstration de force face à un Federer pas vraiment dedans.
En tout cas, en 2013, l’attitude de Jo-Wilfried Tsonga à Roland Garros fait plaisir à voir. Tsonga est sympa, il veut gagner pour nous et pour lui, il est sérieux dans son jeu, et souriant le reste du temps. Après un mois de mai météorologiquement tragique, des débats sans fin, une morosité ambiante à couper le souffle, Tsonga met tout le monde d’accord et fait revenir le soleil à Paris (oui, oui, tout ça c’est grâce à lui). Une jolie victoire en Une des journaux, y a pas photo, ça remonte le moral, et on en veut d’autres les jours prochains.
Jo-Wilfried Tsonga peut gagner Roland Garros 2013. Il a la tête, les jambes et le jeu pour ça. Il a surtout des chaussures magiques roses, designées exprès pour lui porter chance.Personnellement j’y crois beaucoup, mais je préfère ne pas crier au « 30 après » trop tôt. Et si jamais Tsonga gagne Roland Garros 2013, ce sera sa victoire à lui, pas celle de Noah, et j’espère qu’on n’attendra pas encore 30 ans pour trouver un « héritier » (ou une héritière !) à Jo.