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Tout ce qui nous manque

Il y a des choses bien plus graves, mais nous voilà privés de sport, à la télé et en vrai, et de nos partenaires d’entraînement. Nous voilà tout seuls et tout tristes à faire des pompes surélevées sur le bord du canapé en visioconférence. Les live instagram sont le seul sport qu’on voit en direct, et ça nous déprime ! Mais qu’est-ce qui nous manque exactement dans le sport ? Pourquoi sommes-nous si accro ? Pourquoi ça compte autant alors que ce n’est pas « essentiel » ? Comment le sport a-t-il un telle emprise sur notre vie ? Quand je vois comme je râle avant les séances de fractionnés, il y a de quoi se poser des questions. Mieux que le bac philo en contrôle continu, c’est l’heure de la dissertation !

ça structure nos vies

Bon il y a le boulot aussi. Mais le sport me donne un cadre, organise ma semaine, mes mois, les années. Métro, boulot, entrainement, apéro, dodo. Open d’Australie, élimination du PSG en Ligue des champions, marathon du printemps, saison sur terre battue, Roland-Garros, pause estivale à base de paddle et de Tour de France / Coupe du monde de foot / Jeux Olympiques, rentrée sportive, nouvelles licences FFA/FFT, hiver et ça repart. De temps en temps ya de l’imprévu et c’est bien aussi.

C’est aussi pour ça que j’aime bien les prépa : malgré mon aversion pour les tableaux Excel j’aime bien avoir mon petit programme de la semaine, savoir à quelle sauce je vais vomir mes tripes sur la piste le jeudi, ça me permet de savoir quoi manger à la cantine.

dans des circonstances exceptionnelles j’ai ma propre colonne (là, j’étais en Australie)

ça fait du hooula hoop émotionnel

Terme non scientifique pour désigner l’adrénaline, les endorphines, la dopamine et je ne sais trop quoi qui nous donne bonne mine. C’est hormonal, c’est normal, c’est scientifiquement étudié mais ça fait booom dans notre petit coeur.

Quand vous voyez la ligne d’arrivée d’une course (encore plus si c’est un marathon, et x 1000 si c’est un RP), ce moment où vous vous dites « ça y est je vais le faire ». D’ailleurs vous passez la ligne, vous pleurez tellement c’est fort.

Quand vous regardez un match et que votre équipe / votre joueur favori gagne (encore plus si c’est serré et x 1000 si c’est un beau match). D’ailleurs il pleure avec sa coupe, vous pleurez.

Quand vous avez ce sentiment que ce que vous êtes en train de vivre c’est énorme (pour vous c’est énorme), c’est historique, c’est magnifique et vous y êtes, vous y participez un peu par cette chance et ce bonheur d’être là, dans le moment présent, à le graver dans votre mémoire, pour pouvoir y repenser plus tard.

De temps en temps avant d’arriver à cette euphorie, il y a des moments de doutes, de souffrance, de suspense, de galères. Des instants où vous voulez sortir du stade, enlever vos chaussures et vous arrêter sur le bord de la route, ou arrêter cette télé qui vous fait tant de mal. Mais c’est encore plus beau quand vous avez tenu le coup.

on est ensemble

Parfois le sport vous le vivez tout seul derrière votre télé, ou sur votre piste d’athlé, mais souvent, vous êtes plusieurs pour partager toutes ces émotions. Vous avez une team, un crew, des amis, des collègues, qui partagent ce petit bout de vous qui est votre passion.

Avec VMA, on s’est bien trouvés, et la distanciation sociale, c’est compliqué. On aime bien courir par wagons de niveaux collé.es les un.es aux autres. On aime bien se faire un câlin collectif plein de sueur et de pluie à la fin des séances. On aime s’attendre sur la ligne d’arrivée des courses et se prendre dans les bras parfois même en chialant.

Avant je regardais les matchs de tennis avec ma famille, ma soeur passait une tête en disant « c’est qui le Français ? tu vas voir il va perdre », ça m’horripilait mais je partageais ma passion avec eux. Maintenant, on les vit plutôt au bureau et je me suis rendue compte en regardant des vidéos que je n’en profitais plus vraiment comme avant parce que j’avais trop la tête dans le guidon. Mais parfois tout s’arrête parce qu’il y a un match incroyable et tout le monde vient se mettre juste sous la télé à hurler à chaque point. En Fed Cup, on était en équipe, on a pu se prendre dans les bras les uns les autres avant de s’atteler à nos 6h de boulot post victoire. Et oui j’ai failli pleurer.

Avec @manueshao, on a regardé beaucoup de match de foot ensemble et on continue souvent par messages interposés. Elle m’a même spoilé le premier but en finale de coupe du monde parce que ma connexion était jetlaguée.

je ne sais plus écrire quand je suis stressée (super pratique pour mon métier)

Et maintenant grâce Twitter, on peut même regarder Koh Lanta tous ensemble, c’est de la magie.

ça éclipse le reste

C’est d’ailleurs pour ça que je continue de faire du sport en ce moment, confinée à la maison à ne pas savoir de quoi l’avenir sera fait. 1h de yoga c’est une heure sans réseaux sociaux et sans infos, à seulement écouter le cours et à enchainer les postures. 40minutes de BBG avec les VMmeufs, et on est ensemble à nouveau. 38 min de « Classic Match » Nadal / Djoko en 2013 et j’oublie que tout est à l’arrêt et que nous sommes en 2020 (année de merde).

D’habitude quand je cours, j’oublie les soucis de ma journée, quand je me passionne pour un match, rien ne compte sauf le résultat. Quand j’ai atteint un objectif, rien des petites tracasseries de la vie n’est grave, la fierté du travail accompli est là. Pendant un instant tout le reste passe au second plan.

ça fait partie de nous

Bien sûr en ce moment, nos vies telles qu’on les connaissait ont un peu foutu le camp. Mais du coup, je ne sais pas vous, mais moi je suis toute perdue. J’ai envie d’aller courir le midi avec mes collègues, de rentrer aux vestiaires à 13h26 pour piquer la place à la douche aux filles du cross-training. J’ai envie que le coach nous envoie des 30min + 3x8min allure semi + 15 min, des 8×1000 etc. J’ai même envie de prendre la ligne 5 pour aller au stade Ladoumègue courir avec les copains. J’ai envie de courir 1h30 le samedi en inventant des parcours au hasard, et même si c’est face au vent à 50km/h. Promis je râlerai plus.

J’ai envie de suivre plein de résultats sportifs en même temps, de lire l’Equipe avec des récits de matchs de la veille, pas d’il y a 4,5 ou 10 ans. J’ai envie de regarder du tennis sur la télé juste en face de mon bureau, sur l’écran géant du self ou sur France Telévisions pendant mes jours off. J’ai envie de remplir un tableau de pronostics en écrivant n’importe comment au bic vert au lieu de gribouiller des attestations. J’ai envie de bosser 80 heures par semaine à cause de Roland-Garros et de rentrer du stade en courant parce que je fais un 10km le matin de la finale (pas ma meilleure idée mais ça fonctionne). J’ai envie de préparer un marathon, d’angoisser à me demander si ça va passer, de tout faire pour que ça passe et que ça passe. Et de promener une médaille partout pendant une semaine après.

J’en ai marre des abdos, des épisodes raccourcis de Koh Lanta, des spéculations en tout genre et des polémiques sur le jogging (pas le vêtement).

Mais je sais qu’en ce moment le sport, ce n’est pas essentiel, ce n’est même pas important. Et quand on nous rendra tout ça, qu’on pourra aller au stade faire des tours de piste ou assister à des matchs, qu’on pourra se faire des high five sans s’être désinfecté au gel hydroalcoolique, c’est qu’on aura passé la ligne d’arrivée, que tout ça sera derrière nous. Pour l’instant, on est un peu dans le dur, on se prend le mur, mais on serre les dents, et on continue d’avancer kilomètre après kilomètre. Semaine après semaine.

Marie

rédactrice web freelance, j'écris depuis quinze ans sur mon blog Graine de Sportive, et j'ai collaboré avec plusieurs médias. Contactez-moi pour me confier vos besoins sports et loisirs !

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