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Le marathon de New York 2023, un rêve éveillé

Le marathon de NYC, comme beaucoup de coureurs, c’était mon rêve. Un rêve que j’ai eu le bonheur de réaliser ce 5 novembre 2023, même si tout n’a pas été idyllique. Entre ambiance survoltée, parcours à embûches, sensations de feu et douleurs indésirables, vous ne louperez rien de ce marathon à faire une fois dans sa vie. Quand on raconte ses rêves, ils deviennent encore plus vrais, alors c’est parti pour le récit de mon marathon de New York 2023 !

Un rêve qui devient concret

Au début le marathon de NYC était un de ces rêves qu’on range dans la catégorie inaccessibles. La date tombe mal pour le boulot, le dossard est difficile à avoir, le budget est élevé. Mais on ne réalise pas ses rêves en dormant. Je suis donc passée à l’action pour me qualifier grâce à un chrono sur semi, obtenir des jours de congés à cette période, et économiser pour ce projet. Entre temps, j’ai embarqué mon nouvel époux et meilleur supporter dans cette aventure, et synchronisé avec Julie et Mathieu, parce que réaliser ses rêves à plusieurs, c’est encore mieux.

Lire aussi le récit de ma préparation pour le marathon de NYC

Jusqu’à avoir le dossard entre mes mains, j’ai eu du mal à y croire. Pourtant le retrait du précieux sésame se fait comme d’habitude, un petit rituel bien établi : shake-out run, retrait du dossard, du t-shirt, balade au village, achat au stand New Balance, photos.

Une croisière en bateau pour visiter la ville en restant assis, une pasta party et il faut vite aller se coucher. Notre départ de bus à la New York Public Library est prévu pour 5h du matin. Merci le changement d’heure, qui permet une heure de sommeil en plus. Tant que ce n’est pas une heure de marathon en plus !

Le marathon de NYC : La ville qui ne dort jamais

C’est un peu la tête dans l’oreiller que nous prenons la direction du bus, puis de Staten Island pour le départ de ce marathon de New York 2023. Heureusement, tout est parfaitement organisé et on peut se laisser guider comme des somnambules. Ensuite, il nous faudra attendre jusqu’à 9h10, l’heure de notre boulet de canon sur le pont Verrazano. L’attente est un peu longue, certains sont en pyjama, d’autres en couvertures, mais impossible de dormir dans l’herbe tant l’excitation est là.

Chacun son départ, Mathieu en bleu, corral A, Julie en rose C sous le pont, et moi en Orange E sur le pont. Nous nous séparons donc à l’entrée des sas, pour accomplir chacun nos destins. Le mien et celui de Julie vont se croiser plusieurs fois pendant la course. Un peu comme quand votre petite cousine vous dit « J’ai fait un rêve cette nuit et t’étais là, tu t’en souviens ? »

Départ du marathon de New York sur le pont Verrazano

départ marathon NYC

Le départ en met plein les yeux : ce pont immense et tant vu en photo, l’excitation des milliers de coureurs autour de nous, la musique « New York New York », et cette phrase dans ma tête « on y est, c’est pour de vrai ».

Tout le monde vous dira de vous méfier de la première partie du marathon de New York : de ne pas s’enflammer, de rester prudent en attendant les difficultés à venir plus tard. Moi je vous dis : profitez, kiffez, laisser vous porter par l’évènement et par la foule, ça tiendra le temps que ça tiendra.

Le pont Verazano à lui seul fait deux miles : un en montée, un en descente. C’est assez pour perdre la montre et le rythme prudent qu’on voulait s’imposer. Ensuite en arrivant dans Brooklyn, les premiers spectateurs sont au rendez-vous et ça descend plutôt. Bref, je suis trop rapide, comme quand on tombe avec délices dans les bras de Morphée après une longue journée.

Pour cette course, j’ai remixé ma technique des blocs avec la méthode américaine : je compte en miles. On est aux Etat-Unis, je rêve en anglais. J’ai donc écrit sur mon bras (sous mon manchon), les temps correspondant à une allure de 4’40/km : 7’30 au mile. Le premier en 7min30, le 2e en 15min, le 3e en 22min30, le 4e en 30, le 5e en 37’30, backlap à la montre et ça repart. Un peu comme certains rêves tournent un peu en boucle.

Gros avantage : ça passe très vite et je ne vois pas les miles défiler. Quant aux kilomètres, j’ai tout simplement oublié leur existence. Je prends un gel tous les 5miles, il y a une ambiance folle, les sensations sont bonnes, même si j’essaie de me réfréner un peu. Jusqu’au semi, tout se passe vraiment comme dans un rêve, et ça continue. J’ai un tout petit peu d’avance mais comme il y avait de belles descentes, je me dis que ça servira plus tard (aha).

La première partie du marathon de New York est plus roulante que la 2e

Au semi, première difficulté : le Pulaski Bridge : une côte courte mais un peu raide et la descente associée. Mais il passe comme sur des roulettes. A certains endroits les rues sont plus étroites, et les spectateurs plus proches des coureurs, j’ai l’impression d’être dans le virage Pinot mais sur plusieurs kilomètres. C’est magique, et un peu émouvant, de ces émotions un peu fortes qui transparaissent de vos rêves : vous vous réveillez en souriant. Je n’en suis pas tout à fait consciente à ce moment-là, mais ça me porte vraiment.

Queensboro Bridge

Puis vient un des gros challenges de ce marathon de New York : le Queensboro Bridge, un pont métallique, sous le métro, où il n’y a aucun spectateur et aucun signal GPS. Le tout dure plus d’un mile, avec pour seul repère le panneau du 25e mile. Vous êtes seul avec vous-même, la phase de sommeil profond. Mais je m’étais renseignée au sujet de ce croque-mitaine et je ne le laisse pas s’immiscer dans mon rêve : j’ai pris un ravito 10 min avant, je ralentis en m’aidant de mes bras et en gardant un souffle régulier jusqu’en haut de la montée, et j’attends la descente. J’en profite même pour regarder la vue magnifique sur les buildings sur ma gauche.

Arrivée dans Manhattan

Après la descente, pouf, arrivée dans Manhattan et nouvelle ambiance de feu. Les gens sont massés au bord de la route, avec des pancartes marrantes, des trucs à distribuer (à boire, à manger, de la vaseline, des mouchoirs), et un bruit assourdissant. Ça m’aide à relancer un peu pour retrouver mon allure de croisière, mais je reste prudente car la Première Avenue devant moi a des allures un peu angoissantes, avec sa longue ligne droite quasiment jusqu’au 20e mile et ses faux-plats. Mais je suis contente, je me dis qu’il ne me reste que deux blocs de 5miles, je me sens bien, que je vais pouvoir ralentir un peu quand ce sera dur grâce à ma petite avance.

Au 28e kilomètre je vois Pierre, l’époux supporter. Je lève le pouce vers lui en mode « Tout va bien, c’est super ». Et puis juste après, patatras.

Petits cauchemars en série

Un bruit vous sort de votre bienheureux sommeil : une porte qui claque, l’ascenseur, la voisine qui se fait livrer une pizza à 4h du mat. Moi c’est le genou, qui m’envoie d’un coup une douleur vive que je connais bien mais que je pensais avoir chassée de mes pensées. Si le marathon de NYC est le rêve de tous les coureurs, le TFL est un de leurs pires cauchemars, et le mien est revenu me hanter peu avant le 30e kilomètre. (Ce panneau là je l’ai vu)

First Avenue

Sur le coup je ne panique pas vraiment, ambiance « ah il est que 5h je peux encore dormir deux heures avant le réveil, vite on change de position et on repart dans ce doux rêve« . Mais ça ne passe pas vraiment. Je l’étire un peu, je le secoue, bof. Je repars quand même mais avec une petite angoisse dans un coin de ma tête. On arrive au bout de la 1st Avenue, mais je sais que le pire est à venir : la 5e Avenue. Le parcours fait quelques virages et je perds un peu le nord : les kilomètres, les miles (mais combien il reste ?), les ravitaillements (est-ce qu’il faut reprendre un gel maintenant ?)

Le parcours tourne et hop « Last Damn Bridge » dit une pancarte bien inspirée (aka le Madison Avenue Bridge). A ce moment là, j’ai réussi à bien repartir même si j’ai un peu ralenti et je me dis qu’en effet, c’est quand même bientôt fini, espoir bonsoir, ça va tenir. Comme tous les ponts, il est constitué d’une montée qui passe plutôt bien et d’une descente, qui réveille la douleur au genou. L’autre cauchemar du coureur s’invite à la fête au moment où on déboule sur la Ve avenue : le mur. Petit bad trip.

5e Avenue

Ma 5e Avenue, du 21 au 24e mile, ressemble à une nuit d’insomnie : je vois les minutes défiler sans réussir à courir plus de quelques foulée d’affilée. Chaque fois que je m’appuie sur ma jambe droite j’ai l’impression qu’elle va céder, et la douleur me lance tout le côté. Le dernier gel que j’ai pris n’est pas si bien passé et j’ai des hauts le coeur. Mais je me raccroche à cette idée que quoiqu’il arrive je continue d’avancer. Je ne renonce pas à aller jusqu’au bout de ce rêve, même avec les yeux grands ouverts et sur une jambe. Je mets de l’eau froide sur mon genou à tous les ravitaillements, je m’enfile un gel coup de fouet malgré l’envie de vomir omniprésente, et mine de rien ça fait du bien.

Central Park

A l’entrée dans Central Park, c’est la folie. Les gens crient, hurlent, encouragent les coureurs en perdition comme moi (beaucoup de gens marchent). Je commence à visualiser l’arrivée qui n’est plus très loin, et à retrouver un peu de paillettes dans les yeux « olala c’est quand même mythique ce marathon« . Et là je vois Pierre sur le bord de la route qui me dit « allez, t’es au 40 !« . J’avais complètement perdu le compte kilométrique et cette information me fait du bien.

Mais la route jusqu’au matin est encore longue, les bosses font très mal : les montées au moral, les descentes au genou. Autour du 41e, on sort sur une avenue qui me semble interminable, avant de revenir par un beau virage dans Central Park. Quelqu’un me crie « last push ! » et j’aperçois le panneau 800m to go.

Dernière montée de l’enfer je vois la ligne. Je l’avais repérée la veille, et malgré sa position en haut d’une côte, elle est belle. Enfin, elle est là. J’ai tellement mal que j’en oublie la photo, la montre, tout. Il me faudra quelques instants pour réaliser que je l’ai fait : j’ai terminé le marathon de New York. Après ça on peut dormir tranquille !

Des souvenirs pour toute la vie

Avant de dormir il me faudra faire toute seule le long parcours de sortie des coureurs. On ne me laisse pas vraiment m’assoir, alors que ma jambe ne fonctionne plus, j’avance en boitillant pour avoir de l’eau, puis on me donne la médaille, le poncho. On m’a aussi assignée tout un sac de ravito mais rien ne me fait envie, sauf m’allonger par terre.

C’est seulement quand l’assistance médicale m’a demandé si j’avais besoin d’aide que je me suis mise à pleurer. Un peu à cause de la douleur, beaucoup de l’émotion d’avoir été au bout. Ensuite j’ai pleuré de nouveau quand la dame de la Finish Map m’a dit que j’allais encore devoir marcher 7 pâtés de maisons avant d’arriver au point de « Reunion Family ».

Et enfin bien sûr les larmes sont revenues quand je les ai eu en ligne de mire : mon supporter de choc qui a fait un marathon en métro et un reportage familial, Mathieu qui fait un chrono de rêve et Julie avec qui on s’est doublées / redoublées plusieurs fois sans se voir.

Evidemment un peu déçue qu’un bête TFL soit venu perturber mon bel élan, mais c’est aussi ça la réalité du marathon : tout ne se passe pas toujours comme on l’aurait imaginé. J’aurais rêvé de voir si ça pouvait tenir en 3h15/3h20, ça n’a pas été le cas cette fois, mais ce n’est pas de ça qu’on se souviendra : j’ai bouclé le marathon de New York 2023 ! Et je sais qu’un chrono de 3h30 sur un marathon aussi difficile m’aurait fait rêver il y a peu de temps.

médaille marathon métro new york

« Congratulations »

Je n’ai ensuite plus quitté ma médaille du séjour, en arrivant à l’hôtel, une cliente a voulu faire une photo avec moi car elle pensait que j’avais gagné la course. (Chaque médaille est une victoire).

Un peu l’impression d’appartenir à une confrérie bien particulière avec ce ruban orange et bleu arboré fièrement autour du cou qu’on croise partout dans la rue en s’échangeant des clins d’oeil, des « Congratulations ».

On remerciera le métro new-yorkais pour les nombreux escaliers qui m’ont arraché des cris de souffrance, mais la promenade valait le déplacement !

Un dernier conseil pour la route ? Réalisez vos rêves et courez le marathon de New York s’il en fait partie, ça vaut vraiment le coup !

Marie

rédactrice web freelance, j'écris depuis quinze ans sur mon blog Graine de Sportive, et j'ai collaboré avec plusieurs médias. Contactez-moi pour me confier vos besoins sports et loisirs !

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